Informations
Titre en français : Eaux troubles
Année de composition : 2011
Forme musicale (fr) : installation
Forme musicale (en) : installation
Notice (fr) : Eaux troubles… pour une extension du territoire et une implosion de la propriété privée.

Érick d’Orion et François Martig ont répondus à l'invitation de Regart par un projet collaboratif se nourrissant de leur intérêt commun pour les micro-nations, la piraterie, les libertés individuelles, les lois spécifiques aux eaux internationales, etc…

Ainsi le Traversier qui relie Québec à Lévis constitue à lui seul un objet de réflexion très particulier quant aux libertés individuelles et sera également le lieu de la constitution de la micro-nation éphémère engendrée par d'Orion et Martig, pour le temps d'exposition des 25 ans de Regart.

En effet la micro-nation est une entité créée par un petit nombre de personnes, qui prétend au statut d'une nation indépendante ou qui en présente des caractéristiques. Elles sont la plupart du temps soit le fruit d'une réflexion sur la politique, l'économie, la diplomatie (et sont dans ce cas-là des jeux ou des créations personnelles), soit des assises pour des activités illicites ou indépendantistes. Les micro-nations sont une action de réflexion quant à la question du territoire, de notre place dans celui-ci, et de nos libertés individuelles à l'intérieur d'un territoire Étatique.

Certaines micro-nations ont de véritables prétentions à l'indépendance (Hutt River enclavée en Australie, Sealand au large du Royaume-Uni, par exemple), alors que d'autres sont plus fantaisistes ou folkloriques (la République du Saugeais en France par exemple) ou virtuelles. Généralement de petite taille (géographiquement et démographiquement), les micro-nations se caractérisent le plus souvent par une volonté de reconnaissance de leur souveraineté, par l'intermédiaire d'émission de passeports, de timbres, de monnaie et de titres de noblesse.

Poussant la question du territoire à la limite de son existence physique d'Orion et Martig tendent à un territoire mobile, interchangeable, correspondant plus à une prise de possession temporaire d'espace public ou privé en vue de s'auto-proclamer «citoyens du monde» là où les notions de propriétés et de «clôtures» ne valent plus.

Mais ces valeurs libertaires trouvent un écho en l'élément même du monde maritime et par extension du Traversier Québec-Lévis. En effet au delà de la vision romantique du sentiment de liberté en milieu marin, la mer dispose d'un régime administratif et législatif particulier le rendant différent du «monde» continental. Bien évidement ce régime particulier ne vaut qu'en «haute mer» (ou eaux internationales), là où les zones maritimes ne sont sous l'autorité d'aucun État (par opposition aux «eaux sous juridiction d'un État côtier»). La haute mer est considérée comme un «bien public mondial». Toute revendication de souveraineté par un État y est illégitime. Le principe de la liberté y prévaut: liberté de navigation, de survol, de pêche, de recherche scientifique, de poser des câbles et des pipelines, de construire des îles artificielles, dans le respect des conventions internationales en vigueur. Toutefois, si le plateau continental s'étend au-delà de 200 milles (370 km), l’État côtier dispose de droits souverains relatifs à l’exploitation et l’exploration des ressources naturelles des fonds marins et de leur sous-sol, à l’exclusion des eaux surjacentes, jusqu'au rebord externe du plateau continental, ou au plus jusqu'à 350 milles (648 km). Au-delà de cette dernière limite s'étend la zone internationale des fonds marins qui échappe à toute appropriation et doit être uniquement utilisée «à des fins exclusivement pacifiques» et exploitée «dans l’intérêt de l’humanité toute entière».

En tant qu'artistes sonores d'Orion et Martig ne pouvaient que se référer à cet élément de l'histoire à savoir «Radio Caroline» qui était une radio pirate, émettant en anglais, depuis un bateau ancré dans les eaux internationales au large du Royaume-Uni. Elle retransmettait en continu, essentiellement des programmes de musique anglo-saxonnes, sur la fréquence de 558 kHz. «Radio Caroline» pouvait être captée dans les années 1960 dans le nord de la France. Dès son origine en 1964, elle pouvait être captée dans la zone côtière du Nord Pas-de-Calais et jusqu'en Normandie.

Ainsi, au croisement du concept et de l'existence physique de la micro-nation, de la liberté au sein des eaux internationales, de la piraterie radio-électrique, et de la Performance artistique d'Orion et Martig déplaceront de manière imaginaire et provocatrice «le territoire» de traversée du transporteur Québec-Lévis en véritable espace appartenant aux eaux internationales. Le principe du «faux» est adopté de manière délibérée.

Ainsi concrètement plusieurs actions seront prévues lors des traversées:

Tout d'abord, afin de déterminer précisément le lieu d'action d'Orion et Martig interviendront à partir de l'arrière d'un pick-up sur le pont du Traversier. Le droit monétaire de passage sera réglé à la compagnie des Traversiers du Québec.

L'arrière de ce pick-up sera également le podium servant à la déclaration officielle de la constitution de la micro-nation éphémère de d'Orion et Martig lors de la soirée de lancement des 25 ans de Regart. Ce pick-up sera également le lieu de rassemblement du gouvernement éphémère.

La constitution d'une radio pirate émettant en hertzien aura lieu et diffusera une bande son réalisée par d'Orion et Martig autour de la question du territoire politique et des libertés individuelles. Des radios miniatures seront disponibles pour le public afin de pouvoir écouter la diffusion de cette radio pirate.

Un drapeau, des passeports, un sceau, des badges seront créés afin d'affirmer l'existence de cette micro-nation temporaire.

Un lâcher de ballons aura lieu. Ces ballons transporteront des graines illégales (selon le codex alimentaire de la constitution européenne) permettant ainsi de construire nos paysages de manière fantasmatique, anarchique, aléatoire, aux quatre vents*… La contamination et l'invasion végétale exotique sont un dispositif pour reconquérir nos territoires en évitant, par la plantation aléatoire, la guerre «plantes autochtones/plantes exotiques». Ce lâcher de ballons constituera également un événement festif quant à l'auto-proclamation de notre micro-nation.

Enfin un hymne sera réalisé sous la forme d'un battement sonore à la fréquence particulière affirmant le caractère vivant de notre «Action», et ce durant tout le temps de l'événement Regart.

* Aux quatre vents (partie 1: Triennale d'art contemporain du Luxembourg – moving worlds; partie2: BPS22 de Charleroi (B) – plateforme #3), 2010. Cette installation est une interrogation sur le paysage comme espace social, économique et politique. Ce projet aborde la consommation, la liberté de circulation de produits sur un territoire et le lobbying industriel agro-alimentaire. Les semences de variétés anciennes sont interdites à la vente et considérées illégales car non inscrites au Catalogue Officiel. Ainsi les multinationales contrôlent aujourd’hui 40% du marché mondial de la semence. François Martig récolte des graines anciennes et les diffuse dans plusieurs territoires par l’intermédiaire de vols de pigeons voyageurs, de lâcher de ballons ou encore par la distribution de graines sur des marchés locaux. Ces méthodes populaires servent le parasitage illégal de graines exotiques à travers l’espace Schengen et soulèvent une ambition plus large qui consiste à créer de nouveaux paysages et de nouvelles espèces dans un brassage planétaire.

Date (fr) : 26 juillet 2011
Exécution : 28867
Artistes impliqués
Nom Part Fonction Id éditeur Genre
Érick d’Orion X M
François Martig X M
Mouvements