Titre en français : | Presque rien no 1, le lever du jour au bord de la mer |
Année de composition : | 1967-70 |
Durée : | 21min 11s |
Notice (fr) : | Si l’on accorde un sens au terme de chef-d’œuvre, alors il convient de l’appliquer à Presque rien no 1, le lever du jour au bord de la mer, composition pour bande magnétique réalisée en 1970 par Luc Ferrari. Tout à la fois délicieusement panthéiste et, en ce demi-siècle de destruction progressive de notre environnement naturel, ironiquement provocateur, l’éclair de pensée que constitue le titre de cette œuvre est en lui-même, avant que le moindre son n’ait encore retenti, la première manifestation d’une inspiration poétique peu commune. La réussite de cette pièce de musique électroacoustique sera de maintenir, tout au long de son déroulement, l’attention de l’auditeur en conjuguant une apparente liberté sonore d’événements imprévisibles avec l’architecture harmonieuse d’une polyphonie secrètement ordonnée. Bruits de ressac, formes sonores indistinctes, caquètement d’une poule, braiment d’un âne au loin… On sent qu’il fait encore nuit. Le moteur d’un bateau est mis en marche, une cigale frotte ses élytres et s’arrête. On est d’emblée fasciné par la transparence et l’ampleur de l’espace dans lequel tous ces éléments prennent place et s’articulent. Plusieurs cigales se sont mises de la partie: le soleil a commencé de se lever… Pour réaliser cette «restitution réaliste la plus fidèle possible d’un village de pêcheurs qui se réveille», Luc Ferrari a placé ses micros au bord de la fenêtre de la maison qu’il habitait, face à la Mer Adriatique, dans une île de l’archipel dalmate, lors d’un séjour en Yougoslavie. Viendront plus tard, en studio, les subtiles retouches qui porteront la gradation de ce lever du jour à un «plus vrai que le vrai» musicalement magnifié. Des enfants s’appellent et leurs voix résonnent en échos, une voiture passe, une femme éclate de rire et chante une complainte, tandis que les cigales s’emparent peu à peu de tout l’espace sonore en une musique «répétitive» absolue. Brusquement, tout s’arrête: c’est la fin de la bande. En prenant comme concept de base celui qui a donné lieu à cette réussite musicale, Luc Ferrari aurait pu engager son art dans une succession ininterrompue de Presque rien très proches les uns des autres, à quelques nuances près: des créateurs contemporains tels que Mark Rothko et Morton Feldman ont adopté ce type de démarche et nul ne songerait à leur en tenir rigueur. Mais l’idée même de l’instauration d’un système, d’un procédé–fut-il le plus légitime et le plus justifiable du monde, est aussi étrangère à l’auteur de Presque rien, le lever du jour au bord de la mer que celle de la spéculation en bourse peut l’être à un jongleur des rues. La notion de «chef-d’œuvre» ne le hante pas et s’il lui arrive d’en commettre, c’est presque sans le faire exprès. Ce qui l’intéresse dans l’art musical, c’est d’aller où bon lui semble sans itinéraire préétabli, de risquer de se tromper et de faire en sorte que les soi-disantes «erreurs» deviennent des éléments positifs de créativité. |
Rédacteur (fr) : | [source: reseauxconcerts.com] |
Exécution : | 22020 |
Nom | Part | Fonction | Id éditeur | Genre |
Luc Ferrari | 100% | Compositeur | M |