Notice (fr) : |
Ce Grand bruit est celui du RER que je prends chaque jour pour rentrer du studio à mon domicile. Du train en général on peut dire qu’il fait partie des grands corps sonores qui ont une propriété remarquable, celle de placer l’auditeur-voyageur à l’intérieur, comme si nous étions dans une gigantesque contrebasse qui, dans le cas du train, est frottée par un archet double, les rails et l’air. La prise de son de base, faite par Richard Penant, a eu lieu le 4 juillet 1990 à 21h30: huit stations parcourues en 21 minutes comme autant d’accélérations-ralentissements et d’attentes immobiles à chaque arrêt. En somme une forme tout en permanence-variation. J’ai rigoureusement gardé ce schéma formel (comprenons aussi un grand bruit comme le bruit d’une grande durée) et la plupart des sons de la pièce proviennent de ce seul enregistrement traité toujours de manière synchrone par les processeurs numériques. Pour le matériau musical, l’essentiel a consisté à extraire du grand bruit des profils mélodiques et des profils de masse (les rails, l’air), à les rythmer et les harmoniser dans un déploiement spatial stéréophonique (être à l’intérieur). J’y ai ajouté, outre des sons de synthèse, des voix-présence, voyageurs imaginaires perdus dans leur dialogue intérieur, l’autre grand bruit du dedans. Sans ces indications, je ne crois pas que l’on puisse déceler l’origine sonore et formelle de la pièce (contrairement à Courir mon précédent travail qui mettait en premier plan la respiration d’un coureur) mais l’ayant élaborée avec la conscience permanente de ce train il m’a semblé naturel de la dire. D’autant plus que les caractères d’épaisseur, de fluidité et d’unité du parcours ont été préservés, comme si le voyageur que je suis avait, jour après jour, décanté cette magnifique anecdote sonore pour n’en retenir que la trame abstraite et de là, composer. |