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Œuvre commandée par le Ministère de la Culture pour le cinquantième anniversaire de la musique concrète et réalisée à l’INA-GRM, Elementa (présentée en version 4 pistes) est délibérément électroacoustique. Avec son recours au sampling et au mix, la musique électronique populaire rejoint — un demi-siècle plus tard — certaines démarches originaires de la musique concrète. Je ne suis ni connaisseur ni amateur de techno, mais j’ai dans cette pièce repris, ici et là, des fragments de mes propres compositions, et surtout des sons prélevés «dans l’os-même de la nature» — parfois des paysages sonores simplement cadrés, plus souvent des spectres, des ambiances, des élans, travaillés et incrustés dans le tissu musical, voire tissés en figures, phrases, développements et sections: un travail de composition, mais attentif à l’autonomie d’objets organiques et à leur dynamique de flux, de durée et d’énergie. Les éléments invoqués ici sont ceux d’Empédocle: la terre, l’eau, l’air et le feu. Le matériau provient surtout d’enregistrements de manifestations sonores issues des quatre éléments. Les sources sonores ne sont pas masquées: j’ai tiré parti de leurs connotations et de leurs implications symboliques. La pièce comporte aussi des sons synthétisés à l’aide du programme MUSIC V, qui miment les allures propres aux quatre états de la matière — objets sonores «solides», textures fluides, souffles éoliens et bruiteux, timbres «ionisés» aigus, mobiles et dissociés. Du feu émergent, comme des incantations de pythie, les vocalisations d’Irène Jarsky et de Maria Tegzes. Les quatre éléments apparaissent dans l’ordre suivant: Aqua. Milieu primal, l’élément liquide, humide, perfide, c’est aussi la fluidité des matières en fusion, comme les trames inharmoniques qui se retrouveront figées en cloches dans le dernier volet. L’eau goutte, coule, clapote, déferle — ruisseau, torrent, fleuve, cataracte: tribut d’eaux vives qui descendent à la mer; Focus. Le feu est ambivalent: chaleureux et terrible, pétillant, vif, ardent, mais aussi dévorant et destructeur. Sons divisés, pulvérisés, sans cesse en mouvement. Un feu de broussailles où se met le vent. Le crépitement excite des filtres résonants à son rythme propre. L’incendie grossit et submerge un temps le flamboiement des vocalises. À la fin, le feu tourne dans le sens des astres — boules de feu célestes; Aer. Aux slaps de la flûte répondent les souffles éoliens dans les roseaux, les harmoniques de l’expiration forcée dans les tuyaux, et l’air qui à la fois soutient et sonne, mis en mouvement par des ailes d’insectes ou dans des tuyères. En coda, une ronde des sept vents — ar seiz avel; Terra. Notre sphère vitale: c’est le volet le plus développé. Les ordres minéral, végétal et animal. L’état solide, ses différentes formes de vibration: roulement, frottement, percussion, grincement, pincement, explosion. Après une longue expectative et au bout d’une passacaille de cailloux, tout s’ébranle: dans une avalanche, même la terre et les pierres coulent. L’auteur remercie François Bayle, Daniel Teruggi et François Donato. |