Informations
Titre en français : La Vengeance des fleurs
Année de composition : 1910
Instrumentation (fr) : orchestre
Instrumentation (en) : orchestra
Notice (fr) : Cette «illustration» symphonique d’après une ballade de Freiligrath fut composée en 1910 et exécutée pour la première fois à la Société Nationale le 18 mai 1912 sous la direction de M. Rhené-Baton.

L’auteur a tenté l’essai, dans cette «illustration» symphonique, d’une traduction musicale presque juxtalinéaire du texte de Freiligrath. La forme de cette œuvre s’apparenterait plus aisément à la pantomime qu’à la symphonie; elle décèle toute la capricieuse fantaisie de la première sans évoquer la rigueur structurale de la seconde. La musique a le souci de suivre les images du texte au point d’en épouser jusqu’à la ponctuation des périodes. En conséquence, nous croyons utile de donner ci-dessous la traduction que fit du texte inspirateur E. de Saint-Albin:

Sur le doux oreiller de sa couche — repose la jeune fille endormie — ses cils noirs abaissés, — la pourpre à ses joues brûlantes… Brillante sur la chaise de paille — c’est une coupe richement ornée — et dans la coupe s’épanouissent des fleurs — embaumées, nuancées, fraîches cueillies. Une chaleur lourde, accablante, — a pénétré dans la chambrette; — l’été a chassé la froidure. — Les fenêtres sont fermées. À l’entour, le calme, un profond silence ! — Soudain, écoutez ! Un léger murmure ! — Parmi les fleurs, parmi les branches, — c’est un chuchotement, un bruissement voluptueux. Du calice des fleurs s’élèvent — des formes fantastiques et vaporeuses — elles portent des couronnes et des écus. Du sein empourpré de la rose — sort une femme svelte, — dont les cheveux flottent épars; des perles y brillent, comme la rosée. Au casque de l’aconit — au feuillage vert sombre, — s’avance un fier et hardi chevalier; — son épée, son heaume scintillent.

Sur le heaume se balance une plume — de héron argenté. — Du lis s’échappe une jeune fille; — fin comme toile d’araignée est son voile. Du calice du martagon — sort un nègre effronté; brillant sur son turban vert — reluit l’arc d’or du croissant. Majestueusement, hors de la couronne impériale, —s’avance un superbe monarque; —de l’iris bleu sortent à sa suite — ses chasseurs armés d’épées. Des feuilles du narcisse, — s’élance un garçon aux regards tristes; — il s’approche du lit pour imprimer d’ardents baisers — sur la bouche de la jeune fille. Cependant autour du lit dansent et voltigent les autres fleurs, dans une ronde étrange; — elles dansent et voltigent, et chantent à la dormeuse cette mélodie : «Jeune fille, jeune fille ! de la terre — tu nous as violemment arrachées, — pour que dans un vase peint — nous languissions, nous nous fanions, nous mourrions ! «Oh ! que nous reposions heureuses — sur le sein maternel de la terre, — où nous recevions, tamisées par les feuillées verdoyantes, — les tièdes caresses des rayons du soleil ! «Où nous nous rafraîchissions aux bises du printemps, — qui courbaient nos frêles tiges ! — où la nuit, nous jouions comme des sylphes, — nous échappant de nos demeures de pétales. «Nous nous baignions dans les ondes dures de la pluie et de la rosée; — maintenant nous sommes plongées dans une eau trouble. — Nous nous effeuillons; mais, avant de mourir, — une fille, sois frappée de notre vengeance.» Le chant s’éteint; elles se penchent — au-dessus de la dormeuse. — Avec l’ancien lourd silence, — revient le léger chuchotement. Quel bruissement ! quel gazouillement ! — Comme les joues de la jeune fille s’enflamment ! — Comme soufflent sur elle les lutins ! — Quels effluves de parfums ! Mais les rayons du soleil illuminent la chambre; les esprits disparaissent. — Sur l’oreiller de la couche sommeille, — froid, le plus beau des cadavres. Fleur fanée d’elle-même — les joues encore doucement rosées, — elle repose auprès de ses sœurs flétries, — dont les esprits l’ont assassinée.

[GC5-244]

Artiste impliqué
Nom Part Fonction Id éditeur Genre
Gabriel Grovlez Compositeur M