Le poète implore la mélancolique rose qui ressemble à une bouche fanée:

Console-moi, fleur de l’été
Et des automnes languissantes!
Je veux le cueillir dans les sentes
Où jadis l’amour m’a quitté,Il me souvient d’avoir été
Heureux dans les heures passantes…
Console-moi, fleur de l’été
Et des automnes languissantes.

Triste rose, au cœur velouté,
S’il est vrai, fleur, que tu consentes,
De tes odeurs d’oubli, puissantes,
À charmer un cœur tourmenté,
Console-moi, fleur de Léthé!Il songe que nul ne saurait naître pour la première fois:

Chacun recommence, humble ou fier,
Un sort autrefois subi. Naître,
C’est un carreau d’autre fenêtre
Sur le paysage d’hier.Toujours même âme, même chair,
Le miroir doit nous reconnaître;
Chacun recommence humble et fier,
Un sort autrefois subi: naître,

Vivre, mourir, n’avoir qu’un air
De n’être pas son propre ancêtre!
Quoi? dans l’ombre où le sort s’empêtre,
Pas de route neuve au but clair?
Chacun recommence, humble ou fier.

Il porte le deuil des joies pas encore nées:

J’ai des souvenirs de demain
Tant se précipite mon rêve
Par delà le jour qui se lève,
En d’autres jours, ombre ou carmin

Je fus mouillé sur le chemin
Par l’orage, avant qu’il ne crève;
J’ai des souvenirs de demain,
Tant se précipite mon rêve.

En mon cœur sûr du sort humain
Ce qui sera déjà s’achève;
Je me rappelle la fleur brève
Qui se fanera dans ma main;
J’ai des souvenirs de demain.

Il croit entendre pleurer son cœur dans la plainte d’un ruisseau:

Dans l’eau qui roucoule
Si plaintivement
Du grand bois dormant
Se mire la houle;

On dirait que roule
Un très doux tourment
Dans l’eau qui roucoule
Si plaintivement.

Là, loin de la foule,
Saignant d’un serment,
Est-ce un cœur d’amant
Qui sanglote et coule
Dans l’eau qui roucoule?

[GC2-350]