Informations
Titre en français : Les Fioretti de Saint-François-d’Assise
Année de composition : ca 1912
Instrumentation (fr) : voix, orchestre
Instrumentation (en) : voice, orchestra
Notice (fr) : L’oratorio du poète Gabriel Nigond est une suite de tableaux évoquant les phases principales de la vie du saint; ils n’ont entre eux aucun lien dramatique; seule l’émotion qui s’en dégage les apparente les uns aux autres.

 

Les auteurs cependant ont tenu, avant de tracer leur œuvre, à accomplir le pèlerinage à Assise, et à s’entourer des meilleurs documents parmi lesquels on peut citer deux ouvrages qui font autorité dans la bibliographie franciscaine : celui de Sabatier (1894) et le St François d’assise de Johannes Joergensen, traduit par Téodor de Wizewa. Les fresques de Giotto, à Assise, et la suite de ses dix petits tableaux à l’Académie des Beaux-Arts de Florence, furent aussi dévotieusement consultées; le peintre Luc-Olivier Merson, grand ami de M. Pierné, contribua également à l’œuvre en exécutant quelques dessins, inspirés par la vie merveilleuse du doux Apôtre.

 

Le prologue comprend deux scènes : la jeunesse de François et François et la Pauvreté. Dans la première, les amis du jeune homme, qui n’a pas encore été touché de la grâce, s’efforcent de l’inciter à la fête tandis que, rêveur, il refuse de se joindre à eux, devant, dit-il, attendre sa fiancée. Deux chansons joyeuses et colorées ont laissé François insensible. Alors, dans une courte méditation, il exprime l’amour immense qu’il porte en lui pour toute la nature :

 

Comme une fleur au vent, pétale par pétale,
Le jour se fane et meurt de parfums trop chargé.
Le ciel à l’horizon tend son voile orangé :
Ô douceur du couchant sur ma cité natale.

 

La nuit commence à tressaillir
Ô mon Dieu! laissez-moi la force
De l’admirer sans défaillir…

 

La forme mélodique suivante, entendue à ce moment, et qui reviendra souvent, sous des aspects divers, au cours de l’œuvre, symbolise à la fois la grande âme de François et sa douce patrie, la petite ville d’Assise (1) :

 

[Exemple 1]

 

Mais voici qu’apparaît la Fiancée attendue : c’est la Pauvreté, avec qui François entame un dialogue qui est l’une des pages capitales, en tant que puissance émotive et doux coloris orchestral. Voici l’amorce du motif chanté par la Pauvreté — soprano solo — (2) :

 

[Exemple 2]

 

L’ex. (3) est le canon terminant aux deux voix le colloque enthousiaste qui va décider de la vocation du saint.

 

1re partie. Le Lépreux. — Dans le printemps, des voix de femmes chantent l’aube argentée et l’alouette, et l’herbe neuve, et le grillons… Frère Léon, cœur simple et gai, entonne aussi son hymne à la terre reverdie… Un lépreux s’avance, agitant ses claquettes, résonnant, sinistres, à l’orchestre. On fuit, on l’insulte, on va le lapider. Mais François l’arrête, le console, l’embrasse. Et de cette bouche horrible, de cet être « maudit parmi les maudits » ainsi qu’il s’exprime, un chant de reconnaissance monte vers le bon François qui l’étreignit sur son sein et lui parla si doucement. Voici le début de cette phrase, mélodie autonome et pleinement expansive. Ex. (4) :

 

« Et j’étais, moi, le ver qui se cache et qui rampe »

 

[Exemple 3]

 

Puis, après que François s’est incliné sous la bénédiction de son frère Lépreux, le chœur — contraste poignant — reprend son allégresse printanière :

 

Avril joli que vous rêviez,
Voici, bergers, qu’il vous accueille!
L’aube argente en tremblant la feuille
Des oliviers.

 

II. Sœur Claire. — C’est celle qui, la première, prit l’habit des Franciscaines, et qui sert les pauvres inlassablement. Elle vient, à la fin du jour, de porte secours à des malheureux. St François l’interroge, et c’est l’évocation par elle du jour où, dans l’église, elle entendit la parole de charité qui décida de sa vie :

 

« J’écoutais, les pleurs dans les yeux
La parole étrange et suprême
Qui me révélait à moi-même
Et j’ai quitté la ville, et le monde, et ses maux.

 

Je me souviens, la brise embaumait, éphémère.
Un rayon sortait des vieux puits,
La route était blanche, les buis
Exhalaient leur odeur amère.
La lune se leva bientôt.
Lune au croissant d’argent qui le soir nous éclaire!
Et le vent soupirant en gonflant mon manteau
Je me souviens! … »

Toute cette scène, l’une des plus émouvantes de l’oratorio, repose sur ce thème qui, ici, présenté en mi, déroule en des modalités diverses ses anneaux mélodiques. Ex. (5) :

 

[Exemple 4]

 

L’angelus tinte pendant cette scène de haute allure spirituelle.

 

III. Les oiseaux. — C’est l’été dans la campagne. Avec le frère Léon, François se promène. Et tandis que son compagnon songe à se reposer, lui veut prêcher les oiseaux. À la stupéfaction du frère Léon, ceux-ci non seulement l’écoutent, mais lui répondent chacun à leur tour, jusqu’au minuscule Roitelet. La naïveté primesautière de leurs discours — que tiennent des voix d’enfants — se déroule sous des traits ingénieux, des ramages indéfinis de flûtes et de harpes. Le chœur des oiseaux s’exprime de cette façon (Ex. 6) :

 

[Exemple 5]

 

Après la prédication aux Frères oiseaux, si pleine de douceur et d’esprit, le chœur redit son cantique tendre; François bénit ses frères ailés qui s’envolent aux quatre coins du ciel…

 

Deuxième partie. IV. Les stigmates. — Un prélude symphonique résume la scène qui va se dérouler. Les voix y sont employées symphoniquement, à bouches fermées, le long d’un développement assez serré des motifs précédemment entendus ou de ceux qui vont l’être.

 

C’est l’automne, et c’est la lassitude. François, soucieux, s’inquiète et prie dans sa cellule. L’apparition du Christ crucifié qui l’appelle est le plus dramatique épisode de l´œuvre. Souffrant de contempler la souffrance du Christ, François, par son amour, s’identifie à Dieu, et souffre lui-même l’effroyable torture. Il jette alors des cris lamentables; les trois Frères qui accourent aperçoivent, tout émus, les stigmates merveilleux. Aux soins que ses compagnons veulent lui prodiguer, le saint répond :

 

Laissez crouler sur moi le doux mal qu’il m’envoie
Laissez souffrir toute ma joie.
Laissez saigner tout mon bonheur!

 

V. Le Cantique du Soleil. — Cette partie débute par la reprise du thème de Sainte Claire (5). François, malade, aveugle, est au monastère de St-Damien, soigné par celle qui fut sa disciple dévouée. Il lui demande :

 

Ma sœur, décrivez-moi cette cité d’Assise
Que je ne verrai plus… avant la guérison!
Et c’est vraiment ici que le poème — et la musique — atteignent dans ces descriptions le point le plus aigu de l’émotion intime. C’est le vol d’oiseaux qui couronne la maison natale, ce sont les cris d’enfants, souvenirs du passé, et les chœurs de femmes murmurant des prières légères, et l’exaltation croissante du malade :

 

… Pourquoi me plaindre!
Laissez tout le soleil m’atteindre!
Laissez-le sur mes yeux longuement s’attarder
Et ses rayons bruire, et son feu m’inonder!
Et l’Hosannah au soleil suit, dans un récitatif libre, sans mesure, chaque phrase dite sans accompagnement et séparée de la suivante par la répétition à l’orchestre, celui-ci traité comme un plain-chant antique. En voici un exemple : « Soyez loué, Seigneur, avec vos créatures, et principalement mon frère le Soleil. » (Ex. 7) :

 

[Exemple 6]

 

VI. La Mort. — Sur son lit de mort, le moribond, dans le soir qui tombe, attend la délivrance. Des chœurs lointains annoncent l’arrivée de tous ceux qui veulent venir saluer le doux maître et Frère François.

 

À remarquer que 2 parties seules disent les paroles, tandis que le reste des voix murmurent à bouches fermées. Tous ceux qu’il a consolés et encouragés s’avancent pour le visiter à l’heure suprême, jusqu’au Lépreux, qu’il bénit. François salue aussi sa sœur la mort :

 

Vois je suis prêt, Insaisissable!
Viens, sous le linceul qui te vêt!
Viens avec ta faux et ton sable,
Et penche-toi sur mon chevêt!
Le chœur entonne des litanies à mi-voix, murmurant les vertus du Saint.
Enfin, la Pauvreté, fidèle, et qu’il appelle, vient au dernier moment le prendre en ses bras. Et dans le crépuscule, devant la nature innocente, en bénissant sa chère ville, François meurt. La Foule sanglote. Mais voici les oiseaux qui viennent lui redire leur chœur suave (6), emportant dans leur vol l’âme infiniment bonne, l’âme de Saint François. Les voix du chœur, presque imperceptibles, disent, seules, l’Alleluia final.

 

Nous n’avons fait qu’esquisser, à dessein, l’analyse musicale et thématique de l’œuvre, l’intention des auteurs étant principalement, pour ce sujet tout de pureté naïve, de suggérer des émotions et de parvenir au cœur le plus simplement possible, sans raffinements outranciers.

 

[GC3-398]

Artistes impliqués
Nom Part Fonction Id éditeur Genre
Gabriel Pierné Compositeur M
Gabriel Nigond Auteur M