Informations
Titre en français : Taillefer
Numéro de catalogue : op 52
Tonalité : Ré majeur
Année de composition : 1903
Instrumentation (fr) : 3 voix, chœur, orchestre
Instrumentation (en) : 3 voices, chorus, orchestra
Notice (fr) : La ballade de Uhland conte les exploits fameux de l’écuyer de Guillaume le Conquérant; en images sonores, Strauss les a traduits. C’est son opus 52; c’est dire que Taillefer précède de peu Salomé. La première audition en fut donnée, croyons-nous, à Heidelberg, pour l’inauguration des nouveaux bâtiments de l’Université. La traduction en français est de M. Jean Chantavoine.

 

Écrite pour une exécution grandiose, cette œuvre, comportant une partie importante de chœurs, est conçue suivant un plan large et clair. Les lignes en sont simples et frustes, comme il convient pour l’époque et les rudes âmes évoquées, ce qui n’exclut pas le modernisme violent de l’instrumentation. L’orchestre comprend un luxe de bassons, cors, trompettes, clarinettes, flûtes, tambours, etc.

 

Le premier motif, énoncé par les violoncelles et un basson, très berceur et lyrique (3/4 en ré) sur des tenues de basses piano.

 

[Exemple 1]

 

Le duc Guillaume demande :

 

Qui chante dans mon palais,
Depuis l’aurore jusqu’à la nuit parfois,
Ces chants suaves par qui mon cœur se sent ému?
C’est son serviteur Taillefer, humble domestique, puisant l’eau, soufflant le feu.

 

Ainsi le chœur renseigne le duc, émerveillé de la voix du jeune homme. Pendant ces explications, le motif (A), symbolisant l’enthousiasme du troubadour, se déroule au quatuor sans cesse, puis reprend, soutenu par les bois, quand le jeune homme se présente devant son prince. Il réclame l’honneur de suivre le Duc, « ayant pour lyre joyeuse le glaive et l’écu ». Son rêve est exaucé. La mélodie prend une allure plus fière montée d’une tierce, enrichie par une instrumentation neuve où interviennent la harpe, et des trompettes annonciatrices des temps héroïques proches. En effet, sur un trémolo des cordes, un trombone impose ce second thème (B) :

 

[Exemple 2]

 

Le chœur fait l’office de récitant. Taillefer passe sous la fenêtre de la sœur du Duc, qui l’admire. Sur son coursier superbe, il brandit le glaive et l’épée. Voici son apparition saluée par la phrase (C) :

 

[Exemple 3]

 

« Le duc Guillaume a franchi l’Océan. »

 

Et voici une idée énergique exprimée par l’harmonie au-dessus des grondements de contrebasses (D) :

 

[Exemple 3]

 

Combinée avec les deux premiers thèmes, la phrase (C) accompagne l’explosion admirative de la foule et la requête qu’il fait à son prince afin de porter seul le premier coup aux Anglais qu’il s’agit de soumettre. Voici le champ de bataille d’Hastings. Peu à peu, l’orchestre se colore plus robustement. Un chœur, large et enflammé, en ré bémol, amène une idée neuve :

 

« Taillefer prend la tête des bataillons sur un coursier superbe, la lance au poing. Et Taillefer alors, courant sur les champs d’Hastings, à pleine voix chante la gloire des héros. »

 

C’est la mêlée héroïque qui va commencer. À ce moment domine le thème (D), subissant une série de transformations singulières, tandis que (B) sert longtemps de soutien à la partie chorale, ou se combine avec (D), comme ci-dessous (E) :

 

[Exemple 4]

 

Le héros s’élance et tue un chef ennemi. Les soldats exultent. Un autre thème héroïque apparaît aux trompettes. La bataille est à son summum d’intensité. On entend les flèches siffler, tandis qu’en tumulte les voix se répondent sur les notes d’accords de septième diminuée.

 

« Bientôt le roi Harold et sa fière armée sont morts. »

 

Un intermède symphonique étale à ce moment la pourpre d’une orchestration très bruyante mais point grossière. À travers les thèmes cités qui s’entrecroisent et se superposent sur des trémolos de tambours, de cymbales et de timbales, se fait jour, vers la fin, un chant de triomphe d’une puissance écrasante, annihilant le thème héroïque du « roi Harold et de son armée » vaincue. La bannière de Guillaume flotte, victrice au vent; et sur la conclusion ardente du chœur :

 

« Sur sa tête est la couronne du roi vaincue »,

 

le motif (A), pleinement harmonisé, et riche en cuivres, s’élève aussi, vainqueur. Ce sont les accents de Taillefer qui ont enflammé l’héroïsme général. Aussi Guillaume fait asseoir son écuyer à ses côtés. La mélodie de bravoure et de joie que chante le Duc (esquissée dans la bataille) est reprise par le chœur avant la péroraison par l’orchestre déchaîné, clamant une dernière fois la forme mélodique (C), mêlée à des fanfares perçantes.

 

À noter que dans la version légendaire employée par Uhland, Taillefer sort indemne du combat, tandis que certains historiens le représentent comme ayant été criblé de flèches et tué, dès qu’après avoir mené au combat les guerriers, grâce à son chant, il a donné le premier coup d’estoc. Cette fin est plus dramatique, l’autre plus noble.

 

[GC3-307]

Artiste impliqué
Nom Part Fonction Id éditeur Genre
Richard Strauss Compositeur M