Informations
Titre en français : Le Roi Lear
Année de composition : 1904
Instrumentation (fr) : orchestre
Instrumentation (en) : orchestra
Notice (fr) : (Voir l’étude sur Balakirew dans le no 6, page 52.)

La musique pour le Roi Lear de Shakespeare date de 1904. Elle comporte une Ouverture et cinq autres morceaux, un pour chaque acte. L’Ouverture est certainement la partie la plus intéressante et les éléments qui la composent réapparaîtront dans les mouvements suivants. C’est pourquoi il nous a semblé préférable de donner, à l’occasion de cette première audition, une analyse d’ensemble. Ainsi, l’unité de l’œuvre ne sera pas détruite et cela a d’autant plus d’importance que, privés de l’Ouverture, les morceaux qui précèdent chaque acte seraient assez peu compréhensibles et vice versa. Mais, pour bien goûter cette œuvre, il n’est pas inutile de se remémorer l’action dramatique : Le Roi Lear devenu vieux, partage ses États entre ses deux filles, Gonerille et Régane, au détriment de sa troisième fille Cordélia. Mais, par une nuit d’orage, Lear est expulsé par ses deux filles et ne trouve abri qu’auprès de Cordélia qui, réduite à la misère, est demeurée dévouée à son père. Lear, dont la raison est altérée par la douleur, erre au bras de Cordélia. Mais celle-ci est étranglée et Lear expire sur son cadavre.

Une seconde action se déroule parallèlement à celle-là : le duc de Glocester partage ses biens entre ses fils Edgar et Edmond. Trompé par ce dernier, il condamne à mort son fils Edgar. Alors Edmond, sûr de sa puissance, fait crever les yeux de Glocester qui, à l’instar de Lear trouve protection auprès de son enfant déshérité.

Ces différents épisodes sont suivis d’assez près par le musicien.

L’Ouverture comporte d’abord une sorte de court Prélude Allegro maestoso à 3/4, débutant par des appels de trompettes qui auront assez d’importance par la suite et amenant un thème religieux à 3/2 sans modulation, dans la tonalité initiale de si bémol majeur. Le thème principal, A, qui n’est en somme que le choral religieux du prélude, traité en valeurs plus courtes, s’exprime dans l’Allegro moderato, en ré bémol majeur :

[Exemple 1]

Les doubles croches de l’accompagnement constituent une forme de développement qui sera utilisée dans tous les autres morceaux.

Après de constantes modulations, le thème B apparaît dans la tonalité la plus éloignée du thème initial, ré majeur,

[Exemple 2]

La phrase ne conclut pas, le sens reste suspendu sur la dominante, ce qui caractérise bien le genre russe. Puis, au cours du développement, des roulements de contrebasse font pressentir l’orage du 3e acte et le thème A effectue son retour, à la clarinette, calmé, chantant.

Après de nouveaux appels de «cuivres», le thème essentiel A s’exprime en pleine force. Il apparaîtra enfin sous la forme du choral du prélude. Au résumé, cette ouverture, qui appartient au genre pittoresque, affirme nettement sa nationalité par le piquant de sa couleur et le charme de ses harmonies. La contexture est presque classique.

L’Allegretto maestoso sert de musique de scène au premier acte. Les mêmes sonneries de trompettes que celles entendues dans l’Ouverture, retentissent aussitôt après les paroles de Glocester : «Le roi vient!» C’est alors le cortège des dignitaires et des dames de la cour arrivant pour assister au partage des États du roi Lear. Le morceau, rapide, a l’allure d’une pièce héroïque. Les sonneries de trompettes dont le rythme est marqué par l’accompagnement, amène un nouveau motif dans l’Istesso tempo, C, suivi d’un autre, D :

[Exemple 3]

Le morceau va s’animer de plus en plus à mesure que le cortège s’augmente et le roi et sa famille qui ferment la marche font leur entrée au milieu d’un véritable feu d’artifice sonore.

L’Allegro agitato n’est presque uniquement composé que des éléments de l’ouverture. C’est la pièce la moins caractéristique de cette œuvre. L’action qui lui correspond se déroule dans le palais de Glocester. On assiste à la supercherie d’Edmond et à l’expulsion de Lear par ses filles.

L’Andante du 3e acte est essentiellement élégiaque.

Il peint la douleur de Lear qui erre dans la forêt avec son fou dont les propos ironiques et gais se mêlent étrangement à la tristesse de la mélodie et aux roulements de contrebasses, déjà entendus dans l’Ouverture, et qui caractérisent la Tempête. Le thème A reparaît en phrases hachées. Les procédés de développement sont les mêmes que ceux précédemment employés.

Dans l’Andante con moto correspondant au 4e acte, s’entend un thème anglais, qu’exprime naturellement le cor de même nom, E :

[Exemple 4]

La tonalité est si mineur, sans note sensible, c’est le mode hypodorien. Le thème B, le thème tendre, effectue aussi son retour.

Le dernier morceau Allegro con fuoco, débute par les appels de trompettes du début. C’est la lutte des deux frères. Le thème B semble inciter à la douceur… vainement. Le motif initial A s’affirme définitivement.

Comme on a pu le remarquer, l’œuvre entière est issue des thèmes énergique et tendre de l’ouverture.

[GC2-199]

Rédacteur (fr) : G. B.
Artiste impliqué
Nom Part Fonction Id éditeur Genre
Mily Balakirev Compositeur M