Notice (fr) : |
Voici le commentaire que rédigea Pierre Schneider au sujet de Jean Paul Riopelle et de sa série des Icebergs: Le noir et le blanc: de ces instruments par excellence du dessin, il use en peintre. Sur la surface travaillée au couteau, comme à l’accoutumée, leurs nuances sont infinies, inépuisables. Tantôt l’image littérale, engoncée dans son cerne, cassante, est comme coincée, broyée par un étau de glaces éblouissantes. Tantôt, au contraire, une neige tendre l’enveloppe, la caresse, la dissout insidieusement. Ici, noir et blanc se heurtent; là, ils se compénètrent, se dégradent en gris délicieux.» (Préface du catalogue d’exposition Jean Paul Riopelle, Paris, Musée national d’art moderne, 1981, p. 23, cité dans Riopelle, catalogue d’exposition, Montréal, Musée des beaux-arts de Montréal, 1991, p. 141). Ce qui m’a inspiré de Riopelle, c’est cette idée d’explorer la matière selon toutes ses possibilités — sans jamais devenir systématique. Riopelle décline ces possibilités de multiples façons: par chaque coup de spatule d’une même toile (Autriche, La Jacob Chatou), par des séries de toiles (Icebergs, Le Roi de Thulé), par des diptyques (La ligne d’eau), triptyques (Cendres), des quadriptyques (Soleil de minuit — Quatuor en blanc), un Polyptyque et jusqu’à plusieurs œuvres à l’intérieur d’une seule (Le Bestiaire), par des assemblages de rebuts d’expériences passées (Le grand assemblage), par le traitement d’un même sujet à travers différents médias (le hibou représenté en peinture, en sculpture, en lithographie, en techniques mixtes, etc.), etc. En ce qui concerne ma composition, chaque section peut ainsi être considérée comme l’une des toiles d’une série, ou encore comme un coup de spatule de Riopelle regardé de près: un monde en soi; une nature, donc, organique, avec des structures contrastes et de variations qui lui sont inhérentes. À l’instar de cette nature, l’œuvre ne vise pas la démonstration de quoi que ce soit (pas de développement littéraire); plutôt, elle se veut une affirmation en-soi de la nécessité du hasard, de la nécessité obtenue par le hasard, par la constante réitération d’équations aux variables toujours changeantes car se modulant les unes les autres. Ainsi, tout est à refaire, constamment (il faut jouer pour être vivant: si on cesse de se confronter au doute et à la découverte, si on arrête de lancer les dés, alors on ne joue plus, et on meurt). En ce sens, par le biais d’un hommage au peintre de la nature que fut Riopelle, mon œuvre célèbre aussi la vie et le rythme de ses phénomènes. |
Notice (en) : |
Pierre Schneider wrote the following about Jean Paul Riopelle and his Icebergs series: “Black and white: these pre-eminent tools of drawing, he employs as a painter. When he works the surface with a knife, as is his habit, their shades are infinite, their potential bondless. Sometimes the literal image, encircled by its ring, precipitous, is more or less hemmed in, crushed in a vise of dazzling ice. At other times, though, a gentle snow covers it, caresses it, insidiously dissolves it. Here, black and white collide; there, they fuse, blending into delicious greys.” (Foreword, Jean Paul Riopelle, exhibition catalogue, Paris, Musée national d’art moderne, 1981, p. 23, as cited in Riopelle, exhibition catalogue, Montréal, Musée des beaux-arts de Montréal, 1991, p. 141.) What I found inspiring in Riopelle’s work is this exploration of all the possibilities of matter, without ever becoming systematic about it. Riopelle approaches these possibilities in multiple ways: with every stroke of the spatula on a single canvas (Austria, The Jacob Chatou); with series of paintings (Icebergs, The king of Thule); through diptychs (La ligne d’eau), triptychs (Ashes), quadriptychs (Midnight Sun: Quartet in White), a polyptych (Polyptyque) to several works within a single work (Le Bestiaire); through assemblies of scraps from previous experiments (Le grand assemblage); by treating a single subject in different media (the owl represented in painting, sculpture, lithography, mixed media, etc.), and so on. In my own composition, each section can be seen as one painting within a series, or as one of Riopelle’s spatula strokes scrutinized from up close: a world in itself; organic nature with inherent contrasting structures and variations, and like this view of nature, the work does not attempt to demonstrate anything, i.e. it makes no attempt at narrative development. Instead, it is meant as the affirmation of the necessity of chance, the necessity obtained from chance, the constant reiteration of equations whose variables keep changing because they modulate one another. Consequently, everything must always be made anew (you must play to be alive: if you were to stop confronting doubt and discovery, stop throwing the dice, you would not be playing anymore and you would die). By paying tribute to Riopelle, Nature’s portraitist, my work also celebrates life and the rhythms of its manifestations. |