Notice (fr) : |
Cette composition vise à rendre hommage à Paul-Émile Borduas, un des fondateurs de la modernité — et de la liberté — artistique québécoise. Deux œuvres de Borduas ont orienté mon travail de façon particulière: le texte Projections libérantes, publié en 1949, ainsi que la peinture Composition 69, trouvée sur le chevalet de l’artiste à sa mort en 1960. Composition 69 est une œuvre qui s’impose au premier regard: la quasi totalité de la toile est recouverte par de massifs empâtements noirs qui s’imbriquent jusqu’à en constituer un «mur de charbon luisant». (Voir le commentaire de Jean-Paul Filion cité par François-Marc Gagnon dans le catalogue accompagnant la rétrospective Paul-Émile Borduas du Musée des beaux-arts de Montréal, 1988, p. 466). Au haut du mur, et à travers quelques fissures, on perçoit encore un peu de blanc, sorte de vide cosmique. Il me semble que ce soit vers cet infini que le peintre s’est projeté, qu’il s’est libéré pour et par l’éternité. Suite à son congédiement de l’École du meuble, Borduas conclut le texte Projections libérantes par cette référence à son enseignement: «Vous y avez mis fin, soit! mais je défie aucun pouvoir d’en effacer le souvenir et l’exemple.» (Paul-Émile Borduas, Projections libérantes, in Écrits I (édition critique par André-G. Bourassa, Jean Fisette et Gilles Lapointe), Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1987, p. 479). Pour ma composition, j’ai travaillé presque exclusivement avec des sons dits «multiphones». Ceux-ci sont obtenus par des doigtés et des pressions d’embouchures inusités. Le son est ainsi fractionné, fendu pourrait-on dire: il devient «distortionné» et «multiple». J’ai considéré ces phénomènes comme des blocs pouvant être superposés et juxtaposés, inspiré en-cela par les empâtements de Composition 69. Aussi, en musique, la sonorité des sons multiphones, au même titre que la couleur noire en peinture, peut apparaître en certains cas comme du «bruit», du brouillage d’information. Pourtant, à l’instar de Borduas, j’ai tenté de traiter cette matière de façon spécifique et je l’ai déployée selon une structure formelle rigoureuse; structure de laquelle se dégage, néanmoins, une certaine expressivité. Je remercie les musiciens de l’ensemble Quasar pour leur indispensable collaboration. |
Notice (en) : |
This composition pays tribute to Paul-Émile Borduas, one of the founders of artistic modernity — and freedom — in Quebec. Two of his works have had an impact on my own work: his 1949 text Projections libérantes, and his painting Composition 69, found on the artist’s easel upon his death in 1960. Composition 69 imposes itself at first glance: the canvas is almost completely covered with massive interlocking black impastos that form a “shiny wall of coal”. (See the comment made by Jean-Paul Filion cited by François-Marc Gagnon in the catalogue for the Paul-Émile Borduas retrospective at the Montreal Museum of fine arts, 1988, p. 466.) A little bit of white is seen at the top of the wall and through a few cracks, like the cosmic void. I believe this is the infinite toward which the painter projected himself, free for — and freed by — eternity. As a matter of fact, in reference to being fired from teaching at the École du meuble the previous year, Borduas concludes Liberating Projections thus: “You have ended it! So be it! But I defy any power to erase its memory or its example.” (Paul-Émile Borduas, “Liberating Projections”, Écrits/Writings 1942-1958, introduced and edited by François-Marc Gagnon, translated by François-Marc Gagnon and Dennis Young, Halifax, Nova Scotia College of Art and Design, 1978, p. 113.) In my piece, I have worked almost exclusively with so-called “multiphonics.” These are sounds produced using unusual fingerings and distorted pressure mouthpiece, resulting in a fractured or split “multiple” quality. I have approached these phenomena like blocks I could superimpose and juxtapose, drawing inspiration from Composition 69’s impastos. Also, in music, multiphonics can occasionally feel like “noise”, or data scrambling, similar to the color black in painting. Yet, like Borduas, I have tried to treat this material in a specific way, applying a strict formal structure out of which a certain expressiveness unfolds. I would like to thank the Quasar ensemble for its invaluable collaboration. |